Le pape s’entretient avec un psychologue italien pour un livre intitulé “La peur comme un cadeau”

Le psychologue italien Salvo Noé a interviewé le pape François pour son livre intitulé “La paura come dono” (“La peur comme un cadeau”), qui sortira en italien le 25 janvier aux éditions San Paolo. Le pape parle de ses pensées, de ses peurs et de ses sentiments au cours des années de son pontificat, à commencer par son élection au conclave de 2013.

Par le rédacteur de Vatican News

Un nouveau livre entretien en italien avec le pape François, intitulé La peur comme cadeau (“La peur comme un cadeau”), sera publié par Edizioni San Paolo le 25 janvier. L’auteur, le psychologue et psychothérapeute italien Salvo Noé, a mené une longue interview avec le pape François, abordant une foule de sujets au cours des près de dix ans de pontificat du pape François.

Concernant la prise de décision, le Pape dit « parfois oui, quand je dois prendre une décision, je me dis : ‘Si je fais ça comme ça… ?’ Et c’est un peu la peur de se tromper, n’est-ce pas ? Et la peur dans ce cas m’aide, car elle m’amène à bien peser les décisions à prendre, comment les faire et tout le reste. pas la peur qui m’envahit, non, non. C’est un sentiment qui me fait avancer prudemment : la peur peut être comme une mère qui vous avertit.

Le docteur Noé a rencontré le pape François à Santa Marta, où réside le pape, et a déclaré à Vatican News que « lors d’une des nombreuses réunions, j’ai fait part au Saint-Père de mon souhait d’écrire un livre sur la peur, lui demandant s’il aimerait apporter sa propre contribution. Comme d’habitude, il a dit oui ; et ainsi, un après-midi de janvier, mon enregistreur à la main, j’ai posé quelques questions auxquelles le Pape a répondu avec sa voix calme et rassurante habituelle. Il m’a aussi posé quelques questions sur la peur et la nôtre est devenue une conversation pleine de matière à réflexion.” La longue conversation a ensuite couvert un large éventail de sujets, allant de la formation au séminaire, au défi posé par l’hypocrisie, la mondanité, le carriérisme, l’accueil des homosexuels et des migrants, et la prévention des abus du clergé en introduisant peut-être des examens psychologiques dans les séminaires.

Psychologie et séminaires

Concernant le processus de discernement d’une vocation au sacerdoce, le Pape répond qu’« il faut évaluer de manière intégrale comment on vit, la dimension psychologique, les relations interpersonnelles de celui qui veut s’engager sur le chemin du sacerdoce en entrée au séminaire. » “Il vaut mieux perdre une vocation que de prendre un risque avec un candidat peu sûr”, affirme-t-il. Pour le pape, l’utilisation de la psychologie dans les séminaires peut être “très utile”, car “les abus sexuels sur mineurs par le clergé ont dramatiquement mis en évidence ce problème”.

Personnes homosexuelles

L’interview s’attarde également sur le sujet des personnes à tendance homosexuelle : « Dieu est Père et ne renie aucun de Ses enfants », dit le Pape. “Et le style de Dieu est la proximité, la miséricorde et la tendresse. Pas le jugement et la marginalisation. Dieu s’approche avec amour de chacun de ses enfants, de chacun d’eux. Son cœur est ouvert à chacun et à chacun. Il est Père. L’amour ne divise pas, mais unit.”

Migration et alarmisme

Poursuivant sur le thème de l’accueil, le pape François évoque également une question qui lui est chère, celle des migrants, qui, selon lui, sont souvent utilisés comme prétexte pour “faire peur aux gens, leur faire croire que nos problèmes viennent (de la migration). ” Au lieu de cela, nos problèmes “surgissent du manque de valeurs supérieures, de la manière désorganisée de vivre dans nos maisons et dans nos villes, du vide de la foi qui nous éloigne les uns des autres et ne nous permet pas la fraternité”.

Vie écologique

De la même manière, le pape François réitère son appel à “adopter un mode de vie respectueux de l’environnement pour sauvegarder l’héritage de la création et protéger la vie de ceux qui habitent la planète”. “Notre planète est malade”, dit-il, “et elle est maltraitée et pillée”, conséquence “d’un mode de vie dominé par l’égoïsme et une culture du gaspillage, et qui nous a placé devant une alternative : continuer sur la route voyagé jusqu’ici ou de s’engager sur une nouvelle voie.” Ce qu’il faut, dit-il, c’est une “conversion écologique”, un “changement de direction… où nous assumons nos responsabilités, en nous engageant à prendre soin de notre maison commune”.

Peur excessive

Le pape François et le Dr Noé réfléchissent longuement sur le thème de la peur, thème central du livre. “Une peur excessive peut nous blesser, nous affaiblir… et nous paralyser, à tel point qu’une personne submergée par la peur ne bouge pas, ne sait pas quoi faire…” note le Pape. « La peur excessive, en effet, n’est pas une attitude chrétienne, mais c’est une attitude, on peut dire, d’une âme emprisonnée, [a soul] sans liberté, qui n’a pas la liberté de regarder vers l’avenir, de créer quelque chose, de faire le bien.”

Faire face à l’hypocrisie

L’hypocrisie n’est pas chrétienne non plus, ajoute le Pape. “C’est la peur de la vérité”, explique-t-il, et l’Eglise n’y échappe pas. “Un hypocrite a peur de la vérité. On préfère faire semblant plutôt que d’être soi-même. C’est comme jouer avec son âme. Faire semblant détruit le courage de dire ouvertement la vérité, et ainsi on se débarrasse facilement de l’obligation de dire la vérité toujours, partout. , et malgré tout.” “Il y a beaucoup de situations où cela arrive : c’est caché dans le travail, où l’on essaie de paraître amical avec ses collègues alors que la concurrence conduit à frapper dans leur dos ; en politique, il n’est pas rare de trouver des hypocrites qui ont partagé vie publique et vie privée .” Cependant, a souligné le pape, “il est particulièrement détestable de trouver l’hypocrisie dans l’Église. Malheureusement, elle existe et il y a beaucoup de chrétiens et de ministres hypocrites. Nous ne devons jamais oublier les paroles du Seigneur : ‘Que votre discours soit oui, oui, non, non.’ Tout ce qui vient de plus vient du Malin.”

Le Conclave 2013

De réflexions, le livre passe à des événements historiques, remontant au jour de l’élection et à la manière “accueillante et simple” dont le nouveau pape s’est présenté au monde, comme le dit le Dr Noé, qui “a conquis le cœur de tant de personnes. ” “Je ne m’attendais pas à être élu, mais je n’ai jamais perdu la paix. J’avais apporté une petite mallette, persuadé que j’allais retourner à Buenos Aires, à temps pour le dimanche des Rameaux. J’y avais laissé les homélies préparées. Au lieu de cela, je suis resté à Rome », explique le pape François dans le livre. Il se souvient que le Cardinal Claudio Hummes lui avait dit de ne pas oublier les pauvres, et aussi son réconfort, “Ne vous inquiétez pas, c’est comme ça que le Saint-Esprit fait”, face à l’expression surprise du Pape nouvellement élu. “J’ai ressenti une paix et une tranquillité, même dans les choix clés; par exemple, je ne voulais rien porter, seulement la soutane papale blanche. Même les chaussures que je ne voulais pas porter. J’avais déjà les chaussures et je voulais juste être normal. Puis je suis sorti et j’ai dit bonsoir.

Marcher dans les rues

Le pape François a une fois de plus parlé de son désir de pouvoir marcher dans les rues comme il avait l’habitude d’aller en Argentine, de rencontrer des gens, de parler avec eux et d’entendre leurs histoires, leurs difficultés et leurs situations : « Je dois respecter les protocoles de sécurité. Ici, ils peur qu’il m’arrive quelque chose.” C’est une autre crainte, bien que dans ce cas elle soit justifiée, reconnaît-il. “Les premières fois, dès que j’ai été élu, j’ai essayé de sortir quelques fois sans prévenir, et j’ai créé de sérieux problèmes pour les personnes qui travaillent pour assurer ma sécurité”, révèle le Pape.

Choisir Santa Marta

Concernant son choix de vivre à la maison d’hôtes Santa Marta au Vatican, où il mange dans une salle à manger commune et partage sa table avec d’autres personnes, le Dr Noé demande si cette décision a été influencée par une quelconque peur. “Oui”, répond le pape François, “j’ai choisi de vivre à Santa Marta, plutôt que dans les appartements pontificaux historiques du Palais apostolique, car, comme vous pouvez le comprendre, j’ai besoin de rencontrer des gens, de parler, et ici je me sens plus libre. Là, je me sentais enfermée et cela me faisait peur. Chacun de nous doit se connaître pour trouver les meilleures solutions à ses problèmes. Lorsque j’ai été amené au Palais apostolique dès mon élection, j’ai vu une très grande chambre, une grande salle de bain et un (type d’effet d’entonnoir. De grandes pièces mais une petite entrée, où seul très peu de personnel peut entrer. Alors j’ai pensé, je dois accepter si je ne peux pas sortir et me promener à l’extérieur du Vatican, mais je veux au moins rencontrer des gens. C’est pourquoi j’ai choisi Santa Marta. Je voulais briser cette habitude d’isoler un pape.

La proximité, un antidote à la peur

En revanche, “la proximité avec les gens, pouvoir interagir les uns avec les autres, faire des choses ensemble est le véritable antidote à la peur”, souligne le pape François. “Souvent, l’isolement, le fait de se sentir mal, d’avoir des problèmes et de ne pas trouver d’aide peut entraîner une crise qui peut se transformer en détresse mentale. Mon travail est rempli de personnes qui se sentent seules et terriblement loin de ‘la maison’. La solitude est le vrai mal de notre société. Tout le monde est connecté avec des téléphones portables, mais déconnecté de la réalité.”

La mondanité, une perversion dans l’Église

Enfin, le pape François rassure sur l’avenir : “Jésus est toujours à nos côtés”. Il appelle les fidèles à « vivre avec amour, en sachant se confier au Père ». Et il lance une nouvelle fois un appel à tous les prêtres pour qu’ils fassent preuve de “miséricorde, de courage et d’ouverture des portes”. “Aujourd’hui,” dit-il, “la plus grande perversion dans l’Église est celle des prêtres qui sont des “grimpeurs” et de la mondanité. La mondanité peut conduire à la vanité, à l’arrogance et à l’orgueil. La mondanité tue, comme je l’ai dit un jour; un prêtre mondain est un païen cléricalisé. Les fidèles ont besoin de voir que nous sommes comme eux, que nous avons les mêmes craintes et désirs de vivre dans la grâce de Dieu. Et de rassembler les croyants et les non-croyants et de parler avec un cœur ouvert. Nous devons tous le faire.

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